Synthèse

Investir dans la santé des enfants au Luxembourg

Les enfants de 0 à 12 ans constituent près de 14% de la population vivant au Luxembourg. Ils représentent l’avenir du Luxembourg et, au-delà de leur droit fondamental à une bonne santé, il est dans l’intérêt de tout pays de leur offrir toutes les chances de grandir en bonne santé. Pour que les enfants puissent atteindre le meilleur état de santé possible, les décideurs politiques doivent connaître l’état de santé des enfants et les domaines à améliorer et identifier les lacunes à combler dans les données. Ces informations jettent les bases de la conception, de la mise en œuvre et du suivi de politiques qui tiennent compte de l’âge des enfants et ciblent au mieux leurs besoins, afin que ceux-ci grandissent en bonne santé et développent leur plein potentiel au cours de leur vie adulte.

Ce premier rapport de l’ObSanté dresse un tableau complet de la santé des enfants au Luxembourg. Cet ensemble d’indicateurs, fondé sur des données disponibles auprès de diverses sources au Luxembourg, permet de jeter un regard sur le passé et le présent de la santé des enfants au Luxembourg et fournit une base de référence pour les évaluations futures. 

L'état de santé des enfants au Luxembourg

État de santé et comportements liés à la santé : entre 2014 et 2022, le surpoids et l’obésité ont augmenté de 15% à 22% chez les garçons et de 11% à 16% chez les filles de 11-12 ans. Les comportements sains parmi les enfants de 11 à 12 ans ne se sont pas améliorés, voire ont diminué au cours de la dernière décennie. Les enfants issus de milieux moins aisés sont moins susceptibles de déclarer des comportements favorables à leur santé. En 2022, 39% des enfants issus de ménages aisés ont déclaré manger des fruits et des légumes chaque jour, contre 18% des enfants issus de ménages peu aisés. Et 49% des enfants issus de ménages aisés ont déclaré pratiquer une activité physique régulière, contre 37% des enfants issus de ménages peu aisés. Bien que les taux de mortalité chez l’enfant soient faibles, deux décès sur trois sont évitables par prévention ou traitement. 

Santé autodéclarée et santé mentale : plus de la moitié des enfants de 11 à 12 ans estiment que leur santé n’est pas excellente en 2022. L’incidence des troubles psychosomatiques a augmenté, en particulier chez les filles : 43% d'entre elles ont ressenti ces problèmes plusieurs fois par semaine, voire quotidiennement, au cours des six derniers mois. À cet égard, les disparités économiques sont également manifestes. Les enfants des ménages aisés sont plus de deux fois plus enclins à se déclarer en excellente santé (52% contre 23%) que les enfants des ménages peu aisés. De même, les enfants des ménages peu aisés sont presque deux fois plus susceptibles de rapporter des fréquents problèmes de santé multiples que les enfants des ménages plus aisés (63% contre 34%).

Santé maternelle : les données déclarées sur les comportements liés à la santé maternelle au cours de la grossesse mettent en évidence de faibles niveaux de consommation de tabac (6.7% en 2021) et d’alcool (1.9% en 2021).

COVID-19 : L'impact à court terme de la COVID-19 sur la santé physique des enfants a été limité. Toutefois, des études supplémentaires sont nécessaires pour évaluer l'impact de la pandémie sur la santé mentale et le bien-être général des enfants au Luxembourg, ainsi que les effets à long terme de cette pandémie sur la santé, car les données actuelles ne sont pas concluantes.

Le système de santé dans sa réponse aux besoins des enfants

Au Luxembourg, les pédiatres jouent un rôle de premier plan dans la prise en charge des enfants, y compris dans les soins de premier recours : ils assurent entre 97% (enfants de moins d’un an), 86% (enfants de 1 à 3 ans) et 63% (enfants de 4 à 9 ans) de toutes les consultations des enfants au cours des dix premières années de vie. Plus de 40% des pédiatres ont plus de 50 ans. Néanmoins, le nombre de pédiatres augmente et, avec 0.19 pédiatre pour 1000 habitants, la densité de pédiatres est plus élevée au Luxembourg qu'en Belgique, en France et aux Pays-Bas, et similaire à celle de l'Allemagne. Une analyse plus approfondie est nécessaire pour évaluer si ce nombre est suffisant pour répondre à la demande de prestations pédiatriques, car le nombre de pédiatres requis pour couvrir efficacement les besoins des enfants dépend de l'organisation spécifique des soins au sein du système de santé. Les densités d’obstétriciens (0.18 pour 1000 habitants) et de sage-femmes (34.3 pour 1000 naissances vivantes) sont similaires à celles des pays voisins. 

Le système de santé parvient à atteindre des taux élevés de vaccination chez les jeunes enfants. Les taux de participation aux bilans de santé et aux dépistages recommandés sont supérieurs à 90% chez les enfants de moins de deux ans. Toutefois, les taux de participation chutent après le deuxième anniversaire : 40% des enfants participent au dépistage des troubles du langage avec test auditif 30 mois après la naissance (Bilan 30), 42% à une consultation médicale préventive à 3 ans et 19% à une consultation dentaire préventive à 4 ans. L’efficacité de ces mesures sur l’amélioration de la santé des enfants reste à évaluer pleinement.

Les soins hospitaliers spécialisés pour les enfants sont centralisés à la CHL-Kannerklinik. La densité nationale de lits d'hôpitaux pour les soins pédiatriques a diminué sur une période de 5 ans, et se situe à 3.9 lits pour 10 000 enfants en 2021. Le nombre de lits installés de maternité était de 14.9 pour 1000 naissances vivantes en 2021, soit un taux inférieur à la France (20 lits pour 1000 naissances vivantes en 2020).

Différences socio-économiques

Le rapport met en évidence d’importantes disparités socio-économiques dans les comportements de santé et dans l’état de santé des enfants. Les enfants issus de familles peu aisées adoptent des comportements moins sains que les enfants de familles plus aisées et leur santé est moins bonne. Les données disponibles suggèrent également que cet écart s'est creusé au cours de la dernière décennie. Les très faibles niveaux de besoins non satisfaits en matière de soins médicaux et dentaires chez les enfants au Luxembourg indiquent également que le système de santé offre un accès équitable à ces services. 

Recommandations

Il est urgent d’agir face à l’augmentation du surpoids et de l’obésité et de promouvoir et soutenir de meilleurs comportements de santé chez les enfants. Cela améliorera non seulement la santé actuelle des enfants, mais posera également les bases d'une vie d'adolescent et d'adulte en bonne santé, en particulier (bien que pas seulement) pour les enfants issus de familles économiquement défavorisées.

Un plan national pour la santé des enfants permettrait de fixer des objectifs communs pour la promotion, la protection et l’amélioration de la santé de tous les enfants. Le meilleur moyen d'y parvenir est de déployer des efforts multisectoriels. Un alignement stratégique allant au-delà du système de santé est en effet nécessaire pour aborder les différents déterminants de la santé de l'enfant, y compris - mais sans s'y limiter - les facteurs socio-économiques, démographiques, commerciaux et environnementaux, et pour déployer des interventions coordonnées dans les foyers, les écoles et les municipalités. En reconnaissant l'existence d'inégalités en matière de santé de l’enfant, un tel plan pourrait inclure des politiques et des interventions en santé visant à réduire ces disparités, tout en bénéficiant à tous les enfants, quel que soit leur milieu d'origine.

Il est nécessaire de combler les lacunes en matière de données et de promouvoir la recherche sur la santé des enfants au Luxembourg, en particulier en ce qui concerne la santé et les comportements de santé des enfants de moins de 11 ans. En premier lieu, une amélioration de la qualité des données et des systèmes d'information permettrait une utilisation plus systématique des données à des fins secondaires. À cet égard, les données de santé recueillies par les services de médecine scolaire représentent une ressource très riche pour surveiller la santé des enfants en âge scolaire. De même, la collecte et l'accessibilité des données sur les résultats des dépistages, sur les diagnostics et les motifs de consultation au niveau des soins primaires permettraient d'obtenir une image plus riche et plus précise de l’état de santé des enfants, d'évaluer l'efficacité des programmes existants et des interventions visant à améliorer la santé des enfants, et de répondre aux questions concernant l'utilisation efficiente des ressources.

Dans l'ensemble, les mesures visant à améliorer la santé des enfants devraient être fondées sur des preuves et évaluées à l'aide de données appropriées pour s'assurer qu'ils atteignent les objectifs fixés et contribuent à la réduction des inégalités en matière de santé. Dernier élément important, ces efforts devraient également viser à étudier et améliorer les déterminants de santé qui vont au-delà du système de santé.