Les soins primaires đź“„

Synthèse

Les soins primaires sont un pilier fondamental pour tout système de santé efficace. Ils jouent un rôle crucial dans la promotion de la santé, la prévention des maladies, le dépistage précoce, la continuité des soins, l'orientation vers des spécialistes, et le suivi post-hospitalisation. La littérature scientifique souligne que les soins primaires améliorent la performance et l’équité des systèmes de santé en offrant des services abordables, accessibles et coordonnés.

Ce rapport propose une définition fonctionnelle des soins primaires au Luxembourg, élaborée à partir des définitions internationales et selon une méthodologie consensuelle. En effet, les soins primaires ne faisant pas l’objet d’une définition légale, l'objectif principal de ce rapport est de clarifier le périmètre des soins primaires au Luxembourg pour faciliter ensuite la quantification des ressources qui y sont allouées. Pour atteindre cet objectif, quatre sous-objectifs ont été définis :

  1. Définir les soins primaires au Luxembourg,
  2. Identifier les prestations qui sont incluses dans les soins primaires,
  3. Identifier les infrastructures au sein desquelles les soins primaires sont dispensés,
  4. Identifier les professionnels de la santé (PDLS) qui dispensent des soins primaires.

Une approche méthodologique consensuelle a été adoptée, impliquant divers acteurs/secteurs du système de santé ; i) la recherche et l’éducation, (ii) la représentation des PDLS, (iii) la représentation des patients, (iv) la santé publique et les politiques de santé, (v) l’assurance maladie et la sécurité sociale.

Cette approche a permis d’établir une définition fonctionnelle des soins primaires et d’identifier les prestations, infrastructures et PDLS à inclure dans les soins primaires.

La définition fonctionnelle des soins primaires au Luxembourg, telle qu’elle est issue du consensus

Les « soins primaires » peuvent être définis par les fonctions essentielles que sont l'accessibilité au premier contact, l'exhaustivité, la continuité et la coordination de services centrés sur la personne. Les "soins primaires" sont au coeur et à la base de tous les services de santé intégrés de première ligne.

Plus précisément, les soins primaires se caractérisent par ces 4 attributs :

  1. « Le premier contact » : Les soins primaires sont le premier point de contact pour la grande majorité des activités de prévention des maladies ainsi que pour les problèmes de santé aigus et chroniques.
  2. « L’exhaustivité » : L'exhaustivité peut être définie comme la portée, l'étendue et la profondeur des soins primaires, y compris la capacité à traiter les problèmes de santé tout au long de la vie. Les soins primaires peuvent répondre à la majorité des besoins de santé d'un individu, soit par la dispensation directe de soins (pour la grande majorité des problèmes de santé), soit par l'orientation vers d'autres niveaux de soins ou de services.
  3. « La continuité » : La continuité des soins repose sur la prestation de soins cohérents et homogènes, centrés sur la personne, au fil du temps, lors de différents contacts et transitions de soins.
  4. « La coordination des soins » : La coordination des soins désigne la responsabilité d’organiser la prestation des soins à travers l'ensemble des soins de santé et de l’assistance sociale, y compris les soins de santé mentale, les soins de longue durée et les services sociaux, par le biais de dispositifs intégrés, fonctionnels et complémentaires, favorisant les transitions et le partage d'informations tout au long du parcours de soins, fondés sur des données probantes.

Les prestations, infrastructures et PDLS Ă  inclure dans les soins primaires

Les prestations incluses dans les soins primaires sont les soins de promotion de la santé, les soins préventifs, les soins de diagnostic, les soins curatifs, ainsi que les soins palliatifs.

Les infrastructures comprennent les cabinets médicaux, cabinets des professionnels de la santé, les réseaux de soins, les services d'urgence, les maisons médicales de garde, les pharmacies ouvertes au public, les services de médecine scolaire et de santé des enfants et adolescents, et les services de médecine du travail.

Les PDLS impliqués dans les soins primaires incluent les médecins généralistes, pédiatres, gynécologues-obstétriciens, ophtalmologues, psychiatres, pédopsychiatres, psychothérapeutes, médecins urgentistes, médecins du travail, médecins-dentistes, infirmiers, sage-femmes, pharmaciens, diététiciens, masseurs-kinésithérapeutes, orthophonistes, ostéopathes, psychomotriciens, aides socio-familiales, assistants sociaux, bandagistes, opticiens, et secouristes-ambulanciers.

Discussion et Perspectives

Ce rapport propose une définition fonctionnelle des soins primaires au Luxembourg, élaborée dans un contexte où aucune définition légale n’existe à ce jour. Cette définition fonctionnelle s’appuie sur une compréhension collective plutôt que sur une base juridique formelle. Elle permet de proposer un cadre pour unifier les pratiques, structurer les soins autour d’un socle commun et orienter les politiques de santé vers des objectifs partagés. Ce consensus permet également d’alimenter les réflexions en vue d’une éventuelle formalisation légale.

Sur le plan pratique, la définition s’applique à différentes professions médicales et professions de santé, selon leur lieu d’exercice et la nature des actes accomplis. Par exemple, au Luxembourg, un acte curatif réalisé dans un cabinet par un généraliste ou un pédiatre est considéré comme un soin primaire, alors que le même acte dans une unité hospitalière spécialisée ne l’est pas.

En identifiant précisément les professionnels impliqués et la part de leur activité dédiée aux soins primaires, il devient possible de mesurer l’allocation des ressources aux soins primaires et d’en dresser la cartographie, en répertoriant les structures existantes et les prestataires, ce qui facilite l’identification de zones sous-desservies et soutient les politiques visant à assurer un accès équitable aux soins.

Au-delà des retombées immédiates, cette définition offre aussi des perspectives à moyen terme. Elle permet notamment une évaluation systématique de la performance des soins primaires, par la mesure de l’efficacité, la qualité et l’accessibilité des soins pour les quatre attributs fondamentaux (premier contact, exhaustivité, continuité, coordination) des soins primaires. Cette évaluation soutient l’amélioration continue du système de santé, en identifiant les points forts, les faiblesses et les axes de progression et pose les bases d’une gestion plus stratégique et durable du système de santé.

Limitations

Mesurer la part d’activité que les professionnels de la santé consacrent aux soins primaires est confrontée à certaines difficultés. Tout d’abord, pour les PDLS concernés, l’identification exhaustive des codes de la nomenclature des actes et services qui sont spécifiques aux soins primaires est une tâche fastidieuse, rendue plus complexe par l’évolution de la nomenclature. Ensuite, l’absence de documentation des motifs de ces prestations ne permet pas de confirmer que l’acte effectué correspond bien au champ des soins primaires. Enfin, le lieu des prestations n’étant pas documenté sur les relevés de facturation émis à la CNS, l’attribution des prestations au secteur des soins primaires peut se révéler impossible pour les PDLS dont l’activité est répartie sur plusieurs sites dont certains ne correspondent pas aux infrastructures identifiées comme « à inclure dans les soins primaires ». Malgré ces limitations, l’application d’une définition fonctionnelle des soins primaires permet d’estimer, sur base des données actuellement disponible, les effectifs des PDLS impliqués dans les soins primaires et la part de leur activité qui y est consacrée.

Conclusion

Malgré ces limitations, l’adoption d’un cadre structuré, conforme aux standards internationaux comme ceux décrits dans le référentiel « Implementing the primary health care approach - a primer » de l’OMS, permet de générer des données comparables à l’échelle internationale. Cela favorise l’échange de bonnes pratiques, la coopération interétatique et l’adaptation continue du système de santé luxembourgeois en fonction des évolutions globales.

En conclusion, cette définition fonctionnelle, issue d’une démarche consensuelle, constitue un outil stratégique central pour structurer, piloter et améliorer durablement les soins primaires au Luxembourg. Elle renforce la compréhension commune des soins primaires, favorise une approche cohérente et ciblée des soins primaires, soutient la planification des ressources, et ouvre la voie à une évaluation rigoureuse et continue de la performance des services de première ligne.