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Résumé
L'accès aux examens d'imagerie médicale est essentiel pour le diagnostic et le traitement des problèmes de santé, et des délais d’attente prolongés pour ces examens peuvent compromettre la sécurité des patients et la qualité des soins. La disponibilité des équipements et du personnel, si elle est limitée, contribue à l’allongement des délais d'attente, affectant la prise en charge des patients et, dans certains cas, induisant le recours à des examens ionisants non justifiés.
Face aux enjeux liés à l'accès équitable aux soins et à l’ajustement de l'offre en réponse aux besoins de la population, l'Observatoire national de la santé a mené une étude visant à objectiver les délais d'attente en imagerie médicale, fournissant ainsi des données robustes et des indicateurs fiables qui puissent soutenir la planification nationale de ces équipements. L’étude, couvrant les mammographies ainsi que les examens d’imagerie par résonance magnétique (IRM) et les examens par tomodensitométrie (CT) réalisés entre janvier 2022 et juin 2023 (extension jusqu’au 31 mars 2024 pour les examens IRM), a été menée en collaboration avec la Fédération des hôpitaux luxembourgeois (FHL), sur base d’une méthodologie élaborée conjointement avec le Luxembourg Institute of Health (LIH).
Ce rapport a pour objectif principal de répondre aux questions suivantes :
- Quels sont les délais d'attente pour les mammographies et les examens IRM ?
- Comment ces délais d’attente ont-ils évolué au cours des deux dernières années ?
Ces deux questions sont analysées à la lumière d’éléments contextuels populationnels, du nombre d’équipements installés, de comparaisons internationales et du volume des examens réalisés. L’analyse du volume et des délais d’attente pour les examens CT vise à mieux comprendre la relation entre l’accès et le recours aux examens CT et IRM, les délais d’attente pour examens CT n’étant habituellement pas considérés comme problématiques. Les délais d’attente sont exprimés en proportion d’examens réalisés par tranche de délai (p. ex. 0-15 jours) entre la prise de rendez-vous et la réalisation de l’examen, et en délais médians par type d’examen. Enfin, l’analyse est complétée par une estimation du taux d’utilisation des équipements d’imagerie médicale et par l‘évolution de la proportion d’examens IRM par rapport au total des examens IRM et CT au Luxembourg.
Résultats principaux :
- Mammographies : En 2022-2023, 70,0% des mammographies faites dans le cadre du programme de dépistage organisé (PM) sont réalisées dans un délai de 60 jours suivant la prise de rendez-vous, 28,0% entre 60 et 180 jours, et 2,0% dans un délai supérieur à 180 jours. Pour les mammographies réalisées en-dehors de ce programme, les délais sont plus longs : 14,9% des mammographies sont réalisées dans un délai de 60 jours, et 41,3% dans un délai supérieur à 180 jours. Il convient toutefois de considérer ces différences avec précaution, en raison de la diversité des indications pour les mammographies hors PM. Le délai d’attente médian pour une mammographie, PM ou hors PM, s’est allongé entre le 1er semestre 2022 et le 1er semestre 2023, alors que le nombre de mammographies réalisées par équipement de mammographie a augmenté au cours de la même période. Ceci pourrait indiquer que les capacités d’accueil en mammographie arrivent à saturation, le Luxembourg disposant de moins d’équipements de mammographie par habitant que d’autres pays. Une telle saturation constituerait un obstacle majeur à l’atteinte des objectifs nationaux d’élargissement de la tranche d’âge éligible à la mammographie de dépistage depuis juillet 2024 (+45% de femmes éligibles) et des objectifs européens de participation au dépistage organisé (taux de participation de 70%, contre un taux de 52% en 2022 au Luxembourg).
- IRM : En 2023, 75,8% des examens IRM sont réalisés dans un délai de 60 jours suivant la prise de rendez-vous, dont près de 20% dans les 15 jours ; 7,0% des examens ont été réalisés au-delà de 120 jours de la prise de rendez-vous. Entre 2022 et 2023, ces délais sont restés stables alors que le volume des examens IRM réalisés a augmenté de 21,2% sur la même période. Cette stabilité des délais d’attente reflète une absorption efficace de la hausse de la demande par l'optimisation des capacités existantes, notamment grâce à l’élargissement des plages horaires de fonctionnement des équipements.
- CT : Les délais d’attente pour les examens CT sont plus courts que pour les examens IRM : 88,4% des examens sont réalisés en moins de 60 jours après la prise de rendez-vous, dont 31,6% réalisés dans un délai de 7 jours. Le Luxembourg enregistre par ailleurs un taux d’examens CT par habitant supérieur à tous ses voisins et à la moyenne européenne. Ces constats suggèrent que l’accessibilité aux examens CT n’est pas problématique au Luxembourg. En revanche, si une partie des examens CT réalisés devait être remplacée par des examens IRM, l’accessibilité des patients aux examens IRM pourrait être compromise.
- Transition CT🡪IRM : Au cours de la période 2016-2023, la proportion d’examens IRM par rapport au total des examens IRM et CT a progressé, passant de 28,0% en 2016 à 35,0% en juin 2023. Une revue de la littérature n’a pas permis d’identifier de valeur cible pour cet indicateur, qui doit être considéré conjointement avec les taux de justification des examens CT et IRM.
- Comparaisons interhospitalières : Certaines disparités dans les délais d'attente en imagerie médicale entre les établissements hospitaliers sont liées à des modalités organisationnelles internes, comme l’allongement de la durée des plages d’ouvertures. L’interprétation de ces différences ne peut reposer que sur des informations complémentaires, comme les motifs des examens réalisés, et leur complexité, ces informations n’étant pas disponibles dans le cadre de cette analyse.
Recommandations :
Pour répondre aux défis identifiés en matière de délais d’attente et d’optimisation des ressources en imagerie médicale, plusieurs recommandations stratégiques sont proposées :
- Assurer un suivi systématique des indicateurs en imagerie médicale : La croissance démographique et l’évolution des recommandations et des techniques en imagerie médicale impose d’établir une surveillance stratégique de l’utilisation des équipements et des délais de réalisation des examens pour soutenir la planification des équipements et du personnel qui leur est dédié. L’ObSanté propose de recourir à une sélection d’indicateurs-clés à cette fin, mis à jour annuellement. Si toutefois une surveillance plus rapprochée était souhaitée, d'autres acteurs du système de santé pourront mettre en œuvre une veille sanitaire reposant sur les indicateurs présentés dans ce rapport.
- Améliorer la documentation des examens d’imagerie médicale : L'analyse des délais d'attente pour les examens d'imagerie médicale présentée dans ce rapport montre des tendances générales. Cependant, la finesse de l’analyse est limitée par la nature des données disponibles. En particulier, l'absence de documentation structurée sur le motif des examens, leur complexité et le délai recommandé pour leur réalisation entrave toute évaluation qualitative des délais mesurés. C’est particulièrement vrai pour les mammographies réalisées en-dehors du programme de dépistage organisé, dont les délais ne sont pas interprétables en raison de la diversité des indications médicales sous-jacentes. L’implémentation d’une demande d’examen d’imagerie médicale structurée, telle qu’elle a été conceptualisée au sein d’un groupe de travail sous l’égide de la Direction de la santé, permettra de renseigner le motif médical de l’examen, sa complexité et le délai recommandé pour sa réalisation.
- Améliorer la justification des examens d’imagerie médicale : La réalisation d’examens d’imagerie médicalement non justifiés est susceptible d’induire une saturation des capacités d’accueil des équipements et du personnel, et d’avoir un impact négatif sur les délais d’attente. L’implémentation d’une demande d’examen d’imagerie médicale structurée, intégrant un outil d’aide à la décision clinique basé sur les recommandations de la Société européenne de radiologie, permettra de faciliter le choix de l’examen approprié et du délai de sa réalisation, tout en améliorant la justification médicale des examens prescrits et en soutenant une communication transparente avec le patient.
- Améliorer la planification des mammographies de dépistage du cancer du sein : Considérant le faible nombre d’équipements de mammographie par habitant au Luxembourg, et l'extension récente des tranches d’âge d’éligibilité des femmes au programme de dépistage organisé du cancer du sein, des mesures organisationnelles peuvent être envisagées à court terme (p. ex. centralisation des prises de RV), accompagnées d’une planification stratégique des équipements et du personnel à plus long terme pour garantir de manière durable un accès équitable au dépistage dans des délais approprié.
- Promouvoir un usage approprié de l’imagerie médicale auprès des patients et des demandeurs
(prescripteurs) : Considérant que l’accès aux examens d’imagerie médicale est soumis au niveau de saturation des équipements d’imagerie, il n’est pas inutile de rappeler ici l’importance de renforcer l’éducation des patients et des prescripteurs sur l’usage approprié des examens d’imagerie médicale. Plusieurs initiatives existent, telles que les 7 fiches de la boîte à outils diffusée en 2019 au Luxembourg, la "Do-not-do list" du NICE, les guides iRefer, iGuide et la campagne Choosing Wisely, pour encourager des discussions informées sur la pertinence des examens, réduire les soins de faible valeur ajoutée, et indirectement faciliter l’accès aux examens d’imagerie médicale aux patients qui en ont besoin.
Enfin, ce rapport fournit une base méthodologique de mesure et une première analyse des délais d'attente pour certains examens d’imagerie médicale au Luxembourg, en offrant des éléments factuels sur la situation. L’évolution des délais documentés pour les mammographies, les examens IRM et les examens CT à partir de 2022 permettra d’apprécier l’impact des politiques mises en œuvre pour assurer un accès équitable et en temps utile à ces examens, qu’il s’agisse de mesures organisationnelles ou de l’adaptation du parc des équipements et des ressources humaines en imagerie médicale. Ce rapport ne permet cependant pas de déterminer si les délais mesurés sont appropriés pour garantir les meilleures chances aux patients en raison de plusieurs limitations liées aux données actuellement disponibles.
Les recommandations formulées dans ce rapport pourront alimenter une feuille de route nationale pour répondre aux défis identifiés en matière d’imagerie médicale.